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Interview | Marine Francou (promo 2006)

Marine Francou, scénariste diplômée du CEEA en 2006.
Après ses études au Conservatoire, Marine Francou a rejoint l’équipe d’écriture de la série Un Village Français. Elle a dirigé l’écriture de la saison lire la suite


Marine Francou, scénariste diplômée du CEEA en 2006.

Après ses études au Conservatoire, Marine Francou a rejoint l’équipe d’écriture de la série Un Village Français. Elle a dirigé l’écriture de la saison 7 d’ Engrenages diffusée sur Canal + en janvier 2019, et de la saison 8 qui va sortir à l’automne.. En parallèle, Marine est également présidente de la commission du Fonds d’Aide à L’Innovation Audiovisuelle du CNC.

  • Comment s’est déroulée votre sortie du CEEA ?

Comme une belle histoire. Mais vraie ! Le jour de la rentrée des classes qui a suivi ma sortie du CEEA, mes enfants étaient tous rentrés, je me battais avec les toiles d’araignées de mon bureau et je me disais : bon, c’est maintenant, il faut que je trouve du travail. Et là le téléphone sonne, « bonjour c’est Frédéric Krivine, j’ai entendu parler de vous par Christian Biegalski*… ». Trois jours après nous avions rendez-vous. C’était le début pour moi d’une aventure passionnante, celle du Village Français. J’y ai continué à tout apprendre du métier de scénariste. Ça a duré 10 ans, j’apprends lentement…

(* Christian Biegalski, scénariste, était le directeur du CEEA à l’époque)

  • Que retenez-vous de plus marquant de vos 2 années d’études au CEEA ?

J’en retiens que le scénario est une écriture qui s’apprend mais que la technique ne doit jamais se substituer à l’instinct. Elle doit l’aider à s’exprimer. Une histoire est bonne quand elle vibre de la personnalité d’un auteur. Sinon ça n’a aucun intérêt.
Je retiens aussi le travail. La confiance dans le fait que c’est en travaillant que les histoires viennent, qu’elles sortent des limbes où elles sommeillent en nous.
La place des autres aussi, les premiers lecteurs, ce qu’ils disent de votre texte, apprendre à s’en servir pour améliorer sa copie.

  • Comment passe-t-on de scénariste à directrice de collection sur Engrenages, une série qui a une très forte notoriété ?

J’avais écrit un épisode de la saison 6 d’Engrenages avec Sylvie Chanteux, sous la direction d’Anne Landois. Nous avons beaucoup travaillé sur cet épisode. On aimait beaucoup la série, on ne voulait pas se rater. Anne Landois a décidé de partir vers d’autres aventures, le producteur m’a proposé de prendre sa suite. Peut-être avait-il perçu quelque chose de ma capacité à travailler en équipe ? Je ne sais pas. J’ai pris du temps avant de répondre. Puis je me suis dit que j’étais prête, j’allais le faire à ma manière, entourée d’auteurs précieux pour moi. Mon expérience de l’atelier du Village Français a été déterminante. Aborder 12 épisodes ne me faisait pas peur, je savais comment on travaille des arches en atelier.

  • Avez-vous fait appel à des diplômés du CEEA sur les saisons d’Engrenages que vous dirigez ? Pourquoi ?

Malheureusement non. Pour la saison 7, j’ai choisi les auteurs selon deux critères. Soit parce que j’avais déjà travaillé avec eux dans le passé et que je savais notre collaboration fertile, soit parce qu’ils avaient déjà travaillé sur Engrenages. En saison 8, j’ai ajouté à mon équipe, deux autres auteurs plus jeunes, que j’ai choisis pour leur envie de travailler sur Engrenages et l’expérience qu’ils avaient sur d’autres séries qui m’intéressaient.
Le directeur littéraire qui a suivi le début de la saison 7 était un ancien du CEEA. Fabien Champion. Nous avons fait du bon travail ensemble, puis il est parti vers d’autres aventures.

  • Quelles sont les qualités requises selon vous pour diriger l’écriture d’une série en dehors des compétences en écriture ? Cela requiert-il une connaissance du plateau ?

Être en charge de l’écriture d’une série, c’est aussi être capable de transmettre tout le travail qui a été mené au stade de l’écriture, aux gens qui vont s’emparer de ces scénarios pour en faire des films. En premier lieu les réalisateurs, les acteurs, mais aussi les techniciens aux postes clés. Non pas dans un délire mégalomaniaque, mais pour s’assurer que tout le monde travaille dans le même sens, pour raconter la même histoire. Cette partie-là du travail m’a passionnée. Je l’ai faite à ma manière, avant tout collaborative. Dans l’échange et à l’écoute des autres, parfois aussi plus intransigeante sur ce qui me semblait essentiel.

  • Est-ce que votre approche personnelle de l’écriture en tant que scénariste a changé avec l’expérience d’Engrenages ?

Assurément. Au contact des autres, notamment de mes interlocuteurs à Canal Plus, mais aussi des réalisateurs et de certains acteurs, j’ai pris confiance en moi et j’ai progressé.
Le vrai plaisir pour moi a été d’alterner des phases de travail en groupe et des phases de travail plus solitaire. Quand le train d’une saison est lancé, c’est assez grisant parce qu’il faut tenir le planning. J’écrivais parfois les versions finales des scénarios dans une forme de fièvre. J’aime cette adrénaline.

  • Comment abordez-vous votre rôle de présidente de la commission du FAI ?

Avec beaucoup d’humilité. Nous sommes plusieurs et nos décisions sont prises évidemment de façon collégiale. J’ai conscience de l’importance de cette aide pour les auteurs qui présentent des projets. Il nous faut donc faire ce travail consciencieusement. Finalement, je retrouve cette démarche à laquelle le CEEA m’a initiée : dépasser le « j’aime/j’aime pas », pour analyser les qualités et les faiblesses d’une proposition.

  • A quoi êtes-vous le plus sensible au moment de la lecture des projets présentés ?

A l’implication intime de l’auteur. Est-ce que je sens quelqu’un derrière ce texte ?
Est-ce qu’une sincérité est engagée ? Frédéric Krivine dit souvent qu’à la lecture d’un projet, on doit sentir que l’auteur a un compte à régler avec ce dont il parle. C’est une autre manière de parler de cet engagement.
Bien sûr, je suis sensible à la cohérence de la proposition dramaturgique, à sa force, à son intelligence et à son degré d’incarnation, mais si je ne sens pas un auteur derrière, ça ne m’intéresse pas. Ça n’a pas besoin d’être énoncé dans un paragraphe dans lequel l’auteur soulignerait les liens entre son sujet et sa vie, surtout pas !!! Quand ce lien existe, il se découvre entre les lignes comme un puissant sous-texte.

  • Quels sont vos chantiers en cours ? (Si vous pouvez en parler, évidemment)

Je travaille à la création d’une nouvelle série. Il se pourrait que quelque chose soit en train d’émerger, c’est un peu tôt pour vous en dire plus.

  • Quels conseils donneriez-vous à un jeune diplômé du CEEA ?

Entourez-vous de gens de confiance pour continuer à apprendre. Toujours.
Ne ratez pas les rencontres importantes. Après quelques années, je le vois, mon parcours est fait d’une succession de rencontres importantes. La première a été celle avec Christian Biegalski à qui je pense souvent. J’aurais aimé discuter avec lui de mon travail. Après lui, d’autres rencontres ont suivi et mon instinct m’a guidée pour me dire : oui, là tu fonces, tu t’engages, tu travailles. Parce que tout est évidemment aussi, et avant tout, une question de travail.

Le 23/05/2020