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Interview | Gaëlle Bellan (promo 2008)

Formée au CEEA, Gaëlle Bellan a travaillé sur la saison 6 de « ENGRENAGES » et la saison 4 de « LE BUREAU DES LÉGENDES ». Elle écrit également « LE TEMPS DES ÉGARÉS », réalisé par Virginie Sauveur pour lire la suite

Formée au CEEA, Gaëlle Bellan a travaillé sur la saison 6 de « ENGRENAGES » et la saison 4 de « LE BUREAU DES LÉGENDES ». Elle écrit également « LE TEMPS DES ÉGARÉS », réalisé par Virginie Sauveur pour Arte, téléfilm qui a obtenu de nombreux prix à travers le monde.
Co-créatrice, aux côtés d’Anne Landois, de « LA PROMESSE » pour TF1, elle développe actuellement l’adaptation du best-seller « SURFACE », d’Olivier Norek, en collaboration avec Laura Piani, pour CANAL+.

  • Que retiens-tu de tes études au CEEA ?

Tellement de choses ! C’est difficile à résumer. Les deux années passées au CEEA sont un enseignement total. On y apprend à écrire un scénario bien sûr, on se forme à l’écriture de façon intensive, en explorant un maximum de genres et tous les formats possibles (du format court au long métrage). Mais on y apprend avant tout à devenir scénariste, à se plier à une commande, à composer avec les retours des uns et des autres sur nos textes, à analyser les textes des autres avec humilité et bienveillance, à remettre l’ouvrage sur le métier… C’est un enseignement d’une grande richesse. Très prenant, voire intense, c’est une sorte de condensé, de formation expresse hyper concentrée qui ferait gagner dix ans de métier. Du coup, ce n’est pas toujours simple, notamment pour l’égo, dont il faut se dépouiller pour avancer ! Je me souviens de ce que Christian Biegalski, l’ancien directeur du CEEA, disait aux élèves à l’arrivée. Il désignait le long couloir rempli de casiers qui menait aux salles de classe à l’époque (dans les anciens locaux du dernier étage de l’Hôtel de Massa) et nous suggérait d’y ranger nos égos. Nous serions invités à les y récupérer à la sortie, deux ans plus tard ! Ce sont probablement les deux années d’enseignement les plus riches et les plus instructives de ma vie étudiante…

  • Tu as écrit le scénario de l’unitaire « LE TEMPS DES ÉGARÉS », qui a remporté le prix du public au FIPA ainsi que plusieurs prix au festival de Luchon en 2018. Ces distinctions ont-elles été déterminantes dans ta carrière ?

Je ne sais pas si ce sont les distinctions elles-mêmes qui ont été déterminantes. En revanche, cette expérience professionnelle a été fondamentale. C’était un projet que je portais depuis dix ans et c’est sans doute ma plus belle collaboration, à tous les niveaux. Collaboration avec la productrice, Caroline Adrian qui a défendu le film et s’est battue pour qu’il existe. Collaboration avec la réalisatrice, Virginie Sauveur, qui a été une partenaire artistique exceptionnelle. En plus d’être une réalisatrice brillante qui apporte une vision sensible et personnelle, elle est respectueuse du texte et propose de véritables idées de scénario. Elle sait ce que c’est que de se trouver confrontée à une page blanche et de devoir sortir un script, alors elle est toujours d’une extrême bienveillance. Dans son métier, c’est assez rare pour être souligné ! Et puis, bien sûr, je retiens ma collaboration avec Arte qui m’a laissé une grande liberté et m’a permis d’écrire le film que j’imaginais.

  • Comment s’est passée la collaboration avec Anne Landois sur la série « LA PROMESSE », que vous avez co-créée ensemble ?

J’avais travaillé avec Anne sur la saison 6 de « ENGRENAGES » et j’avais adoré cette expérience. Anne est une scénariste de grand talent, on apprend beaucoup à ses côtés. Elle tord et retord la matière jusqu’à être parfaitement convaincue. Elle n’hésite pas à jeter les trois quarts du boulot qu’elle a mis des semaines à construire si elle trouve une meilleure idée ! C’est une grosse bosseuse, elle est hantée par ses histoires, elle y pense nuit et jour… Parfois, le lendemain d’une session de travail, elle revient avec une autre idée ou une solution pour débloquer l’histoire, qu’elle a trouvée dans la nuit !
Et en plus, elle est incollable en faits divers !
Lorsqu’elle m’a appelée pour co-écrire l’arche de « LA PROMESSE », je n’ai pas hésité une seule seconde. Elle avait écrit un document d’une dizaine de pages très inspirant où elle campait déjà l’univers de la série, le contexte de la tempête et la trame. C’était avant tout, une histoire de réparation du passé. Une fille devait coûte que coûte rétablir la mémoire bafouée de son père. J’ai pensé à Antigone, et ça m’a parlé. La collaboration a été très inspirante, j’ai beaucoup appris. Nous avons travaillé de longs mois à deux avant que d’autres auteurs nous rejoignent et j’ai adoré cette bulle en binôme. Nous nous échangions des recommandations de lecture, des coupures de presse sur des faits divers et nous avons sillonné les scieries et forêts normandes pour coller au plus près de la réalité des métiers du bois. Je partage avec Anne le goût de l’immersion, du réel. C’est une grande chance d’avoir pu collaborer avec elle !

  • Peux-tu nous en dire plus sur tes futurs projets ? (notamment « SURFACE » et « LE CHŒUR DES FEMMES »)

Ce sont deux collaborations avec mon amie, la talentueuse Laura Piani, avec laquelle j’ai eu le plaisir de co-écrire un épisode de « ENGRENAGES » ; ce sont donc forcément des projets enthousiasmants !
« SURFACE », c’est l’adaptation du roman d’Olivier Norek pour Canal Plus. C’est un projet produit par Iris Bucher et Roman Turlure chez Quad. Il s’agit d’une mini-série de 6x52’ qui a la particularité d’être un polar rural, loin de la ville, de son tumulte et de sa criminalité tourbillonnante. Mais c’est avant tout le très beau portrait de Noémie, une flic détruite par un terrible accident lors d’une intervention durant laquelle elle a été défigurée. C’est l’histoire de sa reconstruction difficile à travers une enquête de meurtres d’enfants survenus 25 ans plus tôt. C’est une série sur les fantômes du passé qui ressurgissent pour vous hanter. Noémie doit apprendre à dépasser son accident, à oublier les images qui viennent la hanter, à faire le deuil de celle qu’elle était…

Quant à « LE CHŒUR DES FEMMES », c’est un formidable projet de série récurrente porté par Gaëlle Cholet et Dorothée Wolliez chez Elephant. Il s’agit de l’adaptation du roman de Martin Winckler qui offre une plongée dans un service de médecine de la femme. C’est la rencontre électrique entre Karma, un médecin iconoclaste qui place le patient au cœur de sa pratique et Jean (prononcer Djiin à l’anglo-saxonne), une interne carriériste. Ce sont deux visions de la médecine qui s’affrontent. L’une centrée sur le patient, le soin et l’écoute. L’autre sur la mécanique des corps.
On y aborde des questions aussi cruciales et actuelles que la relation patient-soignant, les violences gynécologiques et obstétriques, la ruine de l’hôpital public… C’est un projet passionnant et foisonnant, qui, je l’espère, trouvera son diffuseur.

  • Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à un jeune diplômé du CEEA ?

Avant toute chose, de trouver un agent ! C’est très important d’être bien accompagné et défendu dans ce métier où les pratiques (même si elles tendent à évoluer) ne sont pas toujours très honnêtes et où les scénaristes ne sont pas toujours écoutés ou même simplement respectés. Un agent c’est aussi un partenaire artistique, un guide.

Et puis au début, je pense qu’il faut travailler un maximum, tout tester pour savoir ce qu’on veut vraiment écrire et ce dont on est incapable.
Par exemple, durant mes deux années de formation au CEEA je m’étais débrouillée pour ne jamais avoir à écrire de polar. Le genre ne me tentait pas.
En sortant de l’école, une de mes premières expériences a été sur un polar formidable qui n’a malheureusement pas vu le jour, une série sur la BAC créée par Charly Barbier. Et j’ai adoré ça ! Contre toute attente, je me suis découvert une véritable passion pour le polar. Alors il ne faut jamais dire « fontaine… », il faut rester ouvert aux propositions. La grande chance dans ce métier, c’est qu’on est très libre. Si on ne se sent pas à l’aise sur un projet, si finalement on s’aperçoit que ce n’est pas pour nous, on est libre de partir.

Dernier conseil aussi, je dirais qu’il faut s’armer de courage, d’obstination. Il ne faut jamais lâcher. Parfois un projet met dix ans à exister, j’en sais quelque chose ! Alors si un projet nous tient à cœur, qu’il y a une vraie nécessité à raconter cette histoire, il faut s’accrocher et s’armer de patience.